Un parcours parmi d’autres sur le R.P.E…
Par Alain Miramon
Les limites, nous nous les érigeons d’abord dans la tête. Le cyclosport a ceci de merveilleux que l’envie, le besoin de sensations nouvelles font tomber les barrières .
Fortes d’un entrainement adapté les jambes n’ont plus qu’a suivre … si possible !!!
Aussi, quand au coeur de l’hiver Patrick François dévoila le R.P.E, j’y adhérais sans réfléchir , entrevoyant dèjà des heures inoubliables en Provence.
Nous voici donc à Saint Rémy de Provence le 21 mai 2004 à 11 h…
Les premiers kilomètres neutralisés permettent de faire connaissance .L’ambiance est emprise de concentration sereine, nulle invective ni fanfaronnade,
Nous pédalons chacun dans un respect mutuel, reconnaissant les heures de préparation qu’il a fallu que nous accomplissions pour être prêt au jour ‘J’ .
Il n’y aurait la présence obsédante, là, sur la gauche du Ventoux , nous en oublierions presque l’ampleur de la tache à accomplir.
Vénasque, sitôt le départ réel donné le peloton de ‘randonneurs’ éclate , le col de Murs est avalé tambour battant, les prétendants à la victoire pressés d’en découdre lâchent les chevaux !. Derrière entrainé par le rythme nous roulons comme si nous partions pour 100 bornes.
Col de la ligne, l’allure ne faiblit pas, 100, 200m…Patrick disparait de ma vue, mais pas le Ventoux qui tout là haut comme un rappel, ramène à la prudence. La route en corniche surplombant les gorges de la Nesque me recentre sur l’intérêt premier du raid , la découverte de la Provence.
Flassan, Jean Marc. Velez qui me précède, est victime d’une agression d’un automobiliste irrascible, le doublant puis freinant sec pour le faire tomber , nous nous arrêtons pour le calmer.
Déjà Bedoin, le belvédère de la Madeleine vite avalé , plongée sur Malaucène les choses sérieuses commencent. Je retrouve Patrick, Bernard Siguenza et son épouse .
Juge de paix du raid, le Ventoux franchi , une grosse hypothèque sera levé pour la réussite du R.P.E.. Dans l’immédiat il faut gravir l’Obstacle tout en digérant le départ rapide du col de Murs et de la Ligne.
Patrick vaincu par le stress de l’organisation doit arrêter.
Les kilomètres sont arrachés, le coup de pédale devient lourd , l’estomac ne veut rien accepter. Heureusement Jean Michel Hurter arrive à point pour me redonner un souffle de moral .
Enfin, le sommet, je balance, j’hésite, abandon ou poursuite , entre deux crampes… Comme à quitte ou double , j’ingurgite deux Badoit, j’enfourche la bicyclette et plonge sur Sault .
Sault, la descente, les quelques portions de fromages , je suis refait à neuf, j’ai surmonté la défaillance . D’expérience je sais que sur ces épreuves d’endurance elle revient rarement.
Vent dans le dos, une douce euphorie me gagne sublimée par la beauté du paysage au soleil couchant, le col de Maguègne restera un temps fort du raid .
Les kilomêtres défilent à présent sans efforts.
Bernard me retrouve à la tombée de la nuit . Je prends ma frontale, j’enfile des vêtements chauds, fais le plein de ravitaillement et m’enfonce dans la l’obscurité du col de la montagne de Lure.
Au loin j’aperçois les spots puissants d’une voiture suiveuse, arrivé à sa hauteur il fait ‘grand jour’, las, le pauvre italien est en proie avec une défaillance et je dois me réadapter vite à la faible lueur de ma lampe. Interminable, sans repères la route serpente dans la forêt , seules les lumières des villages au loin en bas et la lente progression de phares en contre-bas me distraient.
Enfin, la crête, mais il semble que ce ne soit pas fini, les éclairages du poste de controle au loin en témoignent.
Ravitaillement bienvenu car les réserves partent vite, boissons chaudes appréciées. Poches remplies j’entame la descente quand sur un cahot ma frontale tombe , dispersant les piles sur la chaussée. A taton je les cherche fébrilement , ne pas s’affoler! .Par miracle une voiture passe, les retrouve, je peux repartir. La faible lueur me permet de descendre, à allure réduite certes, mais j’avance.
Forcalquier , je retrouve Raymonde Laguna frigorifiée . Un grand merci à tous ces bénévoles qui ont passé la nuit blanche à nous attendre , sans eux rien ne serait possible. Aprés un bon potage, de nouveau les réserves refaites la route se poursuit , à présent le clair de lune compense la modestie de mon éclairage.
Traversées de villages endormis, cris d’oiseaux nocturnes, souffle du vent dans les rayons … rouler dans la nuit.
Moustiers, je ne résiste pas ,quitte à perdre un peu de temps, à traverser la vielle ville .
Nous entrons dans les gorges du Verdon , je rattrape un concurrent mais la large rampe de spots de sa voiture suiveuse aveugle mes yeux désormais adaptés à la pénombre.
Tels des vers luisants ,sur l’autre rive du précipice, j’assiste en direct à la course poursuite du faisceau lumineux de deux concurrents . J’y serai à mon tour … mais seulement au petit matin , j’ai du mal à imaginer la route pour parvenir si haut ! si loin !
Enfin le ravitaillement de la Palud, les poches sont désespérement vides. Manger devient obsédant ! Aprés un bon casse croute ,je repars. A chaque contrôle je gagne des places , bien que ce ne soit pas la motivation première, ça entretient le moral .
Emporté par mon élan, je me retrouve à Castellane, dans la nuit je n’ai pas vu la D955 ( langage de road- book ) 26km en sus !!
Il faut rebrousser chemin. Surtout ne pas louper Trigance .
Trigance, il n’y a pas que le jour qui se lève ! la route monte dur ! mais la beauté du paysage récompense des efforts.
Le Verdon, la corniche sublime restera gravé dans mes souvenirs . Tout en contre bas la route empruntée dans la nuit, je mesure la distance me séparant des premiers.
Bascule sur Aiguines, un grand pas de franchi quant à la réussite du R.P.E.
Je retrouve Bernard pour faire les recharges de calories, me dévêtir des habits de nuit . Fasching vient de franchir la ligne d’arrivée !! .
La dernière tranche du Raid , une décompression assortie d’un début de fringale m’engourdit . Je prend patience sur un braquet réduit afin de surmonter ce passage à vide.
Les villages provençaux s’animent autour des marchés, fini la solitude , le silence de la nuit . Malgré le mistral qui se lève, les kilomètres s’amoncellent, le compte à rebours jusqu’à La Roque d’Anthéron est enclenché.
Point de rencontre avec le R.P.I., le groupe de tête me double au pied de la côte de Saint Anne. Miraculeusement les jambes retrouve de l’influx dans ce ‘mur’.
La partie est à présent gagnée.
Les derniers kilomètres sont savourés, malgré le vent, comme la fin d’une belle aventure . Des images plein la tête.
Retour à la condition de bipède.
La magie de la pratique cyclosportive a encore fonctionné. Le charme de la découverte de nouveaux paysages, la révélation de ressources d’endurance insoupçonnées, le soupçon d’aventure dans un cadre exceptionnel.
Vivement demain ! que l’on reparte !
Un dernier mot pour mettre en avant la méthode Breathplay que je pratique depuis plusieurs mois et qui m’a ouvert des horizons nouveaux sur les longues distances.
Cette méthode ne fais pas aller plus vite ( limite d’âge !) mais permet de pédaler longtemps sur un rythme soutenu en optimisant la récupération. Mais ceci est une autre histoire…
Alain Miramon.
R.P.E 2004.
Le JDC. Droits réservés.
Photo Stuart. Picture2wheels. Droits réservés.