Le Ventoux 2003: La recette des 5 Ventoux
En préambule il faut vous préciser que cette recette, un peu longue, peut ne pas convenir à tout le monde, seul un cycliste doté d’un très gros appétit d’efforts montagnards, pourra s’y essayer. Anorexiques de la pédale s’abstenir.
La recette par elle même est assez simple, sa réalisation beaucoup plus longue et difficile.
Pour la réussir il faut choisir une belle, longue et chaude journée de Juin, prenez ensuite un Ventoux bien haut, bien dur, et faites en suivant coup de pédale après coup de pédale, 5 ascensions successives.
Servez chaud et surtout n’essayez pas de tout avaler trop vite, vous risqueriez l’indigestion…
Ingrédients nécessaires : 1 mont Ventoux 1912 m .
1600 m de dénivellé sur 21 Kms (chiffres arrondis sous la virgule) côté Bédoin et Malaucène.
1300 m de dénivellé sur 26 Kms côté Sault.
1 cycliste quasiment (hum !!) a son poids de forme.
Quelques accompagnateurs à choisir parmi ses amis et connaissances.
1 véhicule d’assistance pour le transport du matériel, des glacières (très important) et de divers matériels.
Maintenant passons à la description détaillée de la recette.
Ascension 1 : Sault – Mont Ventoux.
Rendez vous 5 h00 au magasin » La Route du Ventoux « . Patrick est à l’heure. Tout est prêt. On peut partir direction Sault. Point de départ de la première ascension. on se retrouve à pied d’œuvre sur l’esplanade quasiment déserte, la fontaine ruisselle, la température est presque fraîche avec une météo magnifique en prévision et le Mont Ventoux se profile à l’horizon.
Photo. Départ à 6h15.
C’est parti, Patrick sur le vélo, moi dans le Trafic. » Quel pied de rouler tout seul ici ! » me lance Patrick. L’allure est bonne, il fait bon. RAS.
Au début les lavandes en faux plat ensuite les bois où seuls quelques lièvres s’enfuient à notre passage. Le Chalet Reynard est atteint comme une formalité au bout de 59’ et il attaque la première des 4 grimpées des 6 derniers Kms côté sud. Un petit signe à Tom en passant et le sommet est atteint à 7h42 en 1h29’. Au sommet en attendant Patrick je discute avec un cyclo chevronné, qui lui note ses temps sur un carnet en vue de l’obtention du brevet des Cinglés du Ventoux (3xVentoux), on va le croisera encore deux fois aujourd’hui. Je note les temps sur la feuille de route, Patrick s’habille et on descend direction Malaucène.
Ascension 2. Malaucène – Mont Ventoux.
8h15. Départ depuis l’embranchement dans Malaucène, les cyclos qui font la montée organisée par l’ASPTT Avignon défilent régulièrement. On en reconnaît certains, pas le temps de discuter, Patrick est parti. La socquette toujours fine et légère il monte… Après avoir rangé le matériell, mis le chrono en route et scrupuleusement noté le temps de départ sur la feuille de route, je le rattrape au bout de quelques kilomètres. Il file, doublant et se faisant rarement doubler. » Cool Patrick ! ralentis un peu ! » . » Pas de problème, je gère » me dit-il. Je lui passe un bidon avant les dures pentes rectilignes qui précédent le replat du Mont Serein, une vacherie ce passage, et je pars l’ attendre au virage du Chalet Lyotard. 1h10’ au Mt Serein, » C’est un peu rapide pour quelqu’un qui est parti pour 5 ou peut être 6 ascensions « . » Cool Patrick ! « . La file des cyclos est maintenant ininterrompue jusqu’au sommet que Patrick atteint en 1h40’. Il est 9h55.
C’est toujours aussi rapide, mais P.F. arrive frais. On peut descendre à Bedoin et laisser la cohue des cyclos qui se pressent autour du ravitaillement du sommet.
Ascension 3. Bedoin – Mont Ventoux.
10h43. Départ de Bedoin toujours dans les temps prévus sur la feuille de route. En fait, Patrick a 15’ d’avance, puisque la feuille de route démarrait à 6h00. Il commence à faire chaud. Je profite d’être à Bedoin pour aller chercher un peu de ravitaillement, salé pour le chauffeur, sucré pour le cycliste. Je le rattrape après les Bruns, juste avant le virage de Saint Estève, celui qui marque le début du dur, du plus en plus dur… Après les 7 virages, en l’attendant, je tombe sur une bande de cyclistes que je connais et qui descendent en ayant fait Malaucène. Ils s’arrêtent à grands coups de freins et me demandent ce que je fais là. Quand je le leur dis, ils sont franchement étonnés et même goguenards pour certains. » Putain il monte encore pas mal ton pote ! » me lance un des gars quand Patrick passe. Ils l’encouragent. Patrick les invite à faire un bout de chemin dans l’autre sens. Non merci et les voilà repartis dans la descente. Plus haut je rattrape notre cycliste, une petite photo avec le panneau 10% et on continue. Les traits se creusent le coup de pédale perd de la rondeur, il écrase de plus en plus les pédales.
» Toujours BreathPlay Patrick ? » » Oui toujours ! » BreathPlay c’est une technique respiratoire que ceux qui fréquentent ce site ont déjà dû découvrir, les autres ceux qui ne connaissent pas, je les invite à aller sur la rubrique Entraînement et Performance.
Je le laisse et je monte le fourgon au Chalet Reynard.
Je me change fissa et je suis prêt quand Patrick arrive. » Je t’accompagne sur les 6 derniers Kms »
» Putain qu’est ce que c’est que ce braquet ? » me demande-t-il ? Frais comme un gardon, je suis sur le 42×17, lui depuis un bout de temps déjà est quasiment au bout de la cassette que je lui ai préparé (16×26 derrière 50×34 devant). On harmonise nos vitesses et régulièrement Patrick continue sa troisième escalade. Sommet atteint à 12h48 en 2h04’. Fin de la première trilogie.
Il commence à sentir la » vraie » fatigue l’envahir.
Quand on arrive au Chalet Reynard pour filer sur Sault, on croise Jean-Michel Robert, le coureur-grimpeur-pote de Patrick qui arrive un peu à la bourre en vélo.
Ascension 4. Sault – Mont Ventoux.
Nous voilà de retour au point de départ matinal. Les choses ont un peu changé depuis. Il fait beaucoup plus chaud (30°), il y a beaucoup plus de monde, les jambes de Patrick malgré l’aide de quelques minutes de Compex n’ont plus tout à fait la même souplesse.
Maintenant la petite troupe s’est élargie avec l’arrivée toujours à vélo d’un autre pote de Patrick, Charles Mac Hugo. Après quelques ablutions à la fontaine, Patrick repart à 13h51 direction ? Direction Le sommet pardi !
C’est vrai qu’il fait chaud dans les premiers faux plats qui cheminent à travers les lavandes. L’odeur des premières lavandes coupées est agréable, le petit vent chaud contraire l’est moins. Charles et moi (Jean-Michel est resté au volant) essayons d’abriter Patrick qui a du mal à remettre en route. Par rapport à ce matin où il filait bon train vers le Reynard, les temps de passage sont beaucoup plus longs.
Pourtant après la mise en route difficile les jambes ont retrouvé une certaine souplesse, quelques débuts de crampes au mollets mais rien de bien méchant. Patrick continue de marcher au Leppin avec quelques gorgées de Coca de temps en temps. Et toujours BreathPlay pour garder le bon tempo respiratoire.
Le Reynard passé et surtout les quelques kilomètres qui le précèdent où Patrick a mis la plaque, rebelote, 3ème ascension des six derniers kilomètres jusqu’au sommet. Là les choses très sérieuses commencent. Surtout les trois derniers kilomètres qui font très mal. nous doublons moins de cyclistes que lors des ascensions précédentes, la vitesse reste a peu prés identique à celle de la dernière ascension 10 kmh /11kmh. Je lui fais même remarquer qu’il semble mieux monter . » C’est le vent qui a faibli. » me fait-il remarquer , toujours lucide !
Finalement le sommet est atteint dans une espèce de brume de chaleur à 15h43 en 1h52’. Patrick commence à ressentir les effets de ses efforts, les traits sont creusés, les jambes sont raides. Je me demande s’il va arrêter là.
Il faut redescendre à Bedoin, Alain Prost le dernier arrivé des copains de l’aventure nous attend en bas pour une cinquième ascension.
Ascension 5. Bedoin – Mont Ventoux.
Celle-ci va être terrible. Il fait très chaud à Bedoin (36°) où Alain nous attend en tenue, assis à l’ombre, l’oreille collée au portable, son fils lui raconte l’arrivée du GP d’Europe de F1. Pendant que Patrick se prépare lentement, très lentement, semblant vouloir retarder au maximum la terrible échéance de cette 5ème escalade,, nous discutons avec Alain Prost de son nouveau cadre Cyfac un prototype carbone de toute beauté.
16h45 avec 1h de retard sur la feuille de route, Patrick remonte sur son vélo. Nous lui ouvrons la route et nous nous réglons au diapason du rythme de Patrick. Jean-Michel continue de nous épauler au volant du Traffic. Cette fois-ci il va avoir du boulot, la chaleur est lourde et la sueur dégouline à flots. Patrick se fait violence pour remettre une dernière fois en route et escalader les premières buttes qui précédent Sainte Colombe et les Bruns. Quand arrive Saint Estève, nous nous demandons Alain et moi si Patrick va passer ou s’il va jeter l’éponge. Il s’accroche. Au compteur maintenant, c’est du 9 kmh maxi.
Chaque virage, chaque rampe se passe à l’énergie et surtout à la volonté. Les 7 virages, la cabane de Roland, la Frache tous ces points de repères de la montée sont atteints les uns après les autres, coup de pédale après coup de pédale. Soudain Patrick s’arrête. Les crampes commencent à le tenailler, » maintenant ce n’est plus les mollets, c’est les cuisses nous dit-il « . Au moment où Alain et moi nous demandons s’il va continuer, Charles qui était parti récupérer sa voiture à Sault, nous rejoint pour accompagner lui aussi Patrick dans son ultime montée.
Patrick repart pour s’arrêter un peu plus loin. Jean-Michel l’arrose et lui tend à boire. Depuis un bon moment déjà on aperçoit un cyclo qui ne va pas bien vite mais que nous n’arrivons pas à rattraper. A chaque arrêt il refait le trou. Cela devient une histoire entre nous pour essayer de distraire un peu Patrick de son effort. » Tu vas l’avoir ! » » Tu n’as pas encore perdu le maillot Lance ! « . (Patrick roule sur un Trek). Finalement au chalet Reynard, Patrick arrive à faire la jonction avec le cyclo, qui s’arrête avec nous au Traffic pour un peu d’eau. Il repart avant Patrick qui semble avoir atteint sa limite,
Il repart pourtant pour la 4 eme fois escalader les derniers 6 Kms du Reynard au sommet.
Jusquà 2 bornes du sommet, juste après avoir salué Tom pour une dernière fois, Patrick ne mit quasiment pas pied à terre, sauf une fois encore pour se désaltérer. Le dernier kilomètre et demi fut terrible.
A un moment Patrick s’arrête, mais il n’arrive pas à déchausser, tenaillé par les crampes, il s’écroule sur le bitume. Il se tord de douleur, nous essayons de l’aider à étirer ses muscles, on le masse, rien n’y fait, dés qu’il essaie de se relever les crampes le paralysent immédiatement. Il enlève ses chaussures et sur nos conseils fait quelques pas. Ca va mieux , il marche environ 50 mètres jusqu’au virage à gauche qui précède la longue ligne droite sous le sommet. Là il remet ses chaussures, remonte sur le vélo et avec ce qui lui reste de forces et toute sa volonté, il termine passant le dernier virage au plus large possible, on l’encourage et ça y est la dernière rampe est passée , Patrick est au sommet qu’il franchit en 2h 20’.
Les temps :
1ere montée : 1h 29’
2eme montée : 1h 40’
3eme montée : 2h 04’
4eme montée : 1h 52’
5eme montée : 2h 20’
TOTAL : 9 h 25’
Dénivelé : 3 x 1600 /2 x 1300 : 7400 m
Ultime conseil :
Si la recette vous tente, sachez qu’il vous faudra beaucoup de volonté et surtout un gros, très gros moral pour la réussir.
Enfin pour ceux ou celles que ça intéresse il existe une recette à 6 Ventoux que Patrick avait envisagé pour la simple et bonne raison qu’elle n’a jamais été tentée à ce jour, alors qu’il existe déjà une recette belge à 5 Ventoux, légèrement différente mais sûrement aussi difficile à réaliser.
Si un jour vous tentez cette recette des 6 Ventoux et la réussissez, parlez en Patrick, il s’en régalera.
Jean Michel HURTER.
CPT.com
07/2003