Cyclovolcanique: Savo, cuisson a la vapeur et chevaux vapeur!
Le cercle de feu du Pacifique
Par Janick Lemieux et Pierre Bouchard
L’emprise qu’exerce le «rythme des îles» sur nous a atteint son comble quand nous avons raté notre bateau: le départ d’Honiara du M.V. Temotu pour son voyage hebdomadaire vers Gizo! Nous avons fait irruption en trombe avec nos vélos sur un quai bondé de parents et amis des passagers transmettant une batterie d’aurevoir au navire qui venait de larguer les amarres. Des membres de l’équipage, qui nous ont aperçus au milieu de ce carnaval, nous ont tout de suite signalé de monter à bord d’un canot motorisé qui pendulait dans le ressac juste à côté. Le temps que nous le chargions et que nous effectuions une transaction bancaire de dernière minute, le Temotu, qui nous attendait dans la rade, avait remis ses moteurs en marche. Nos chances déjà minces de le rattraper avec cette embarcation propulsée par un piètre 15 chevaux-vapeur se sont évanouies quand son pilote nous annonce, après une dizaine de minutes de cabrioles dérisoires sur la mer houleuse: «Petrol finis!»
Retournons donc un peu honteux au Mothers’ Union Transit House, un gîte anglican–à Honiara, tous les petits hotels sont des intitiatives de l’une ou l’autre des nombreuses églises et sectes chrétiennes qui prospèrent sous le soleil des Salomon!–, pour réintégrer nos quartiers. Après de longues et inutiles démarches dans le port auprès des petits cargos qui filaient aussi vers la Western Province, nous résignons et mettons à profit notre déconfiture pour aller explorer les parages luxuriants et volcaniques de Savo, île circulaire avec profil de requin ou crocodile–comme le veut le folkore local…–au large de l’extrémité nord-ouest de Guadalcanal. Après une heure et demie de canot–un plus vigoureux 40 chevaux-vapeur cette fois!–, débarquons sur la plage de cailloux noirs de Kaonggele. Lawrence et sa famille nous adoptent sur le champ et nous octroient un p’tit bout de village pour monter la tente et garer les bécanes…qui s’emmerdent éperdument ces temps-ci!
Kaonggele est dotée d’une cuisine sulfureuse naturelle où villageois–pardon, villageoises exlusivement!–cuisent à la vapeur tubercules et pouding de manioc, une version locale du «lap lap» vanuatais…gracieuseté du volcan qui souffle sous Savo! Nous partons en excursion avec Lawrence et deux de ses neveux, nos guides vers le centre de l’île et le cratère principal…revenons avec des impressions mémorables, des oeufs de «mégapodes» et une urticaire brûlante!
Même si nos hôtes l’ignoraient, le volcan de Savo a causé plus d’un soucis à leurs ancêtres. En 1568, quand le conquistador Mendana, en quête de l’illusoire continent «Terra Australis» et des richesses décrites dans la bible par le roi Salomon, a été le premier Européen à poser les yeux sur Savo et ses voisines–archipel qu’il a baptisé sans vergogne…–, le strato-volcan était en pleine éruption. Durant cette violente phase de construction, la côte septentrionale de l’île a pris du volume et la quasi-totalité de la population a péri sous les débris d’avalanches pyroclastiques! D’autres périodes d’activité sont venues altérer la surface de Savo au milieu du 17ième siècle puis dans les années 1830 et 1840. Aujourd’hui, une dizaine de hameaux de huttes de pandanus l’encerclent et on profite de cette serre naturelle pour cultiver d’exceptionnels fruits et légumes qui aboutissent sur les comptoirs du marché d’Honiara.
Nous rentrons dans la capitale en même temps que le M.V. Temotu. L’équipage, conscient de nos problèmes de ponctualité, accepte avec enthousiasme de nous laisser dormir à bord en cette veille du départ. Nous abandonnons le projet de débarquer sur l’île de Ngatokae pour y retenter notre chance avec le Kavachi–voir communication #63–et retournons directement à Gizo où, outre soigner l’ulcère tropical qui garnit le tibia droit de Pierre depuis un bon maintenant, procédons à la planification de notre imminente traversée de Papouasie Nouvelle-Guinée (PNG) et surtout notre passage entre ces deux nations mélanésiennes. Ça y est, nous avons notre «ticket»! Quitterons dans quelques jours pour l’île de Bougainville et la Papouasie Nouvelle-Guinée avec le président du Conseil des Chefs de cette île qu’a balayée une guerre intestinale violente et dévastatrice, contact rêvé pour nous initier à cette terre tourmentée! Ce sera une «croisière» d’environ 6 heures à bord de son embarcation de 16 pieds en fibre de verre mûe par un 75 chevaux-vapeur!
Légende des photos
Photo 1: Avec leur taille menue, pouvant s’insérer dans les trous-incubateurs des «mégapodes», les jeunes garçons comme Josuah sont des spécialistes de la cueillette des oeufs. Ici, notre jeune guide est toujours bredouille…
Photo 2: Au marché de Gizo, un pipeband de jeunes Micronésiens des îles Gilbert (Kiribati), établis dans les Salomon depuis une couple de générations, divertissent la foule et brisent momentanément le joug infernal du soleil d’après-midi avec une impressionnante prestation. Ils frappent sur les bouts des tubes de PVC avec des semelles de «gougounes», sandales de caoutchouc, pour créer des sonorités, mélodies et rythmes originaux! Traditionnellement, on les fabriquait en bambou. Le rafistolage des instruments requiert des heures de minutie et beaucoup d’oreille: tout dépend de la longueur des boyaux et de la tension des élastiques, habituellement des lanières de «tripes de bezik»! Nous avons fait des enregistrements qui devraient agrémenter le document multimédia que nous prévoyons projeter au retour…
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