Hervé Morel, le Ventoux en référence, épisode 3…
Récit iconoclaste et imprégné par le lieu magique du Mont Ventoux, voici les impressions d’Hervé Morel, après ses 10 montées (par Bedoin)des 22/23 septembre (pour mémoire, Morel avait préalablement effectué 8 ascensions en 2005 et 7 en 2003)
Le JDC. 10/2006
Sauvegarder l’esprit de la Nature ! Ecologiser la pratique cycliste.
Aimer la Nature ce n’est pas ‘ l’instrumentaliser’ à des fins narcissiques qui invariablement conduisent à des frustrations et des joies éphémères. Sinon, elle va se rebeller et vous faire souffrir,terriblement.
Si vous voulez intéresser le lecteur (curieux) ne lui parlez pas de technique (braquet, moyenne, %…) il va s’endormir et vous ne toucherez que le clan machiste ‘des pros’.
Non, dans cette aventure et ce duel symbolique avec la montagne, laissez parler la partie féminine qui existe en chacun de nous, celle qui touche à l’émotion, la sensualité, l’échange, le corps à corps.
Les hommes se croient fort, ils ont un besoin viscéral de se sentir fort parce qu’ils sont faibles. Hum !
En écrasant les pédales ils fabriquent de la testostérone, et passent à côté de l’essentiel.
Grimper un col c’est comme la pratique bouddhiste : elle développe la paix intérieure, produit des endorphines, apaise les tensions.
La montagne libère la pensée, la forêt (vous) parle, elle est engageante.
Rouler en montagne pour une cure de silence et (re)trouver le sens de la transcendance pour ne pas passer à côté de rencontres extraordinaires :
Qui des moutons occupant la route innocemment, qui des chiens délaissant leur tâche se chauffent allongés.
Et la nuit. Magique nuit…
Qui des chevreuils vous dévisageant avant de s’enfuir.
Qui du lièvre détalant devant vous en faisant la course.
Mais pas de loup !
Dans la partie désertique, qui des ombres blanches furtives (nuages) dansent en passant si près de vous pour vous emporter dans le vent.
Pendant qu’en bas les villages dorment, éclairés de mille feux.
Vous voudriez que la nuit se prolonge. Durablement.
L’aspect émotionnel a toujours une répercussion sur l’aspect physique, la fatigue et l’effort ont moins de prise sur vous. Magique !
Chemin faisant, l’imaginaire social de la montagne défile : l’attirance et l’angoisse, le haut et le bas, les élus et les exclus, l’Eden et la montagne prométhéenne, toucher le ciel. Eros et Thanatos.
Pour arriver au sommet. Le sommet du bonheur !
Le paysage est infini. L’horizon est si loin.
Mais garder en soi l’éthique du marathonien : humble et modeste car il sait qu’il peur avoir une défaillance terrible.
Au sommet vous vous sentez fort et terriblement fragile.
La communion est intense.
Sur le Ventoux l’émotion est si forte, si profonde qu’on voudrait la partager.
Et parler de l’ascension est bien infime, bien secondaire.
I’m very sorry pour les ‘ultras’.
Garder ce plaisir intact du contact avec la montagne, cette excitation de la première rencontre qui vous met en transe, décuple votre énergie comme lorsque vous êtes amoureux. De le Nature.
Evidemment !
Relever les défis choisis. Quelle richesse ! Quelle libération !.
La vie est toujours remplie de défis. Il est préférable de l’admettre car il meurt lentement celui qui ne prend pas de risque, celui qui devient esclave de l’habitude.
Le sage doit avoir fait la montée du Ventoux une fois dans sa vie.
Le fou plusieurs fois pour communiquer cette passion qui est une expérience exaltante.
Le Mon(t) Ventoux reste ma Muse préférée et j’espère qu’elle vous attire.
Je reste mécontemporain. Eternellement insatisfait.
Trop libre, je n’appartiens pas au clan hermétique des ultras compétiteurs.
L’an prochain j’innoverai discrètement pour être le nec plus Ultra.
Le mot exploit me gène, je préfère le mot aventure.
Il ne faut pas se trouver génial.
Ceux qui s’occupent de la misère du monde m’impressionnent.
L’humanitaire, ça c’est un exploit.
Hervé Morel
10 octobre 2006