Etude diététique et analyse des besoins énergétiques d’un cycliste d’endurance.
Le C.M.S de Lyon, animé par Robert Gauthier fut pendant quelques années à la pointe de la recherche et des pratiques de prévention visant à préserver la santé des sportifs et notamment les cyclistes de tous niveaux d’aptitude.
Dominique Briand, l’un des cyclistes d’endurance les plus en vue ces dernières années participa avec brio à Paris Brest Paris en 2003, réalisant une performance exceptionnelle en compagnie de 5 compagnons d’aventure.
Son programme diététique et les besoins énergétiques de Dominique furent préparés et analysés avec minutie par Robert Gauthier et son équipe.
Voici en exclusivité et en modèle de référence le programme en question.
Analyses détaillées et besoins énergétiques sont codifiés par un texte précis, accompagné d’un tableau explicatif facilement interprétable.
Un document rare, à étudier avec attention.
Patrick François
EVALUATION DES BESOINS ENERGETIQUES
Dominique BRIAND – Paris Brest Paris – 18 au 20 août 2003
Cette étude repose sur une comparaison entre les conclusions de Tests intégrant les valeurs physiologiques et mécaniques relevées en laboratoire et les résultats enregistrés au cours d’épreuves sur le terrain. Cette méthode, élaborée au Centre Médico-Sportif de la Ville de Lyon, est très largement validée, tant pour des épreuves sur route – performances contre la montre – que lors de Records de l’Heure. Par exemple, celui de la Piste de Genève, d’une extrême difficulté avec ses 12 virages au km, où l’écart se situait à moins de 9/1000 de seconde au tour. Ou encore le Record de l’Heure en Tandem, réalisé à Bordeaux avec une sous-estimation d’environ 150 mètres sur les 49,625 km parcourus (différence due à la très grande difficulté de maintenir une coordination parfaite de la cadence à la fin de l’heure). Cette précision résulte des Protocoles, parfaitement adaptés aux spécificités énergétiques du cyclisme, et des logiciels de traitement qui autorisent l’analyse aussi fine que possible de tous les critères physiologiques et mécaniques. Enfin des Ergo-Cycles étalonnés à +/- 0,5 % respectant strictement la position et les composants, notamment les pédales.
Pour Dominique Briand, deux Tests de contrôle ont donc été établis : Le premier courant juin après une préparation méthodique et des épreuves de longue durée. Le second une semaine après Paris Brest Paris. Les principales valeurs sont restées pratiquement stables. Poids : 64,6 kg avec 9 % de masse grasse. Puissance maximale aérobie ( PMA ) de 370 à 380 watts. » Seuil physiologique » constant à 151/152 bpm. (Equivalence entre la consommation d’oxygène et le rejet de gaz carbonique : VO_ = VCO_ qui constitue la véritable référence physiologique). Un excellent métabolisme basal avec une VO_ de 3 millilitres/minute/kg et une fréquence cardiaque de 52 bpm. Une puissance de 162 watts à la fréquence moyenne de 103 bpm. Enfin, une fréquence cardiaque maximale identique de 159/160 bpm. On peut admettre sans risque d’erreur que l’état physique de Dominique Briand est resté stable entre les Tests, donc au cours de ce Paris-Brest-Paris. En outre, on pourra constater qu’il a toujours roulé en aérobie, très en dessous de son seuil sans aucun risque de lactates résiduels, susceptibles de provoquer des traumatismes musculaires. Les enregistrements effectués peuvent donc être utilisés, sans réserve aucune, pour tous calculs énergétiques.
Le matériel de mesure:
Essentiellement un seul Cardiofréquencemètre » Polar XTrainer Plus » utilisé pour tous les enregistrements, lors des Tests et sur le terrain : Cardiaque – Distance – Temps – Vitesse. Avec un émetteur codé pour éviter toute interférence, notamment dans les arrêts. L’intervalle d’enregistrement étant fixé à 60 secondes, toutes les saisies figurent sur un seul fichier d’une capacité totale de 67 h 50 minutes. Ce laps de 60 secondes est amplement suffisant pour une analyse sérieuse sur une telle durée. Enfin, la roue avant à été calibrée avec précision. Les enregistrements, d’abord recueillis dans le logiciel » Polar Advisor » ont été transféré dans » Polar Précision Performance « , logiciel performant et qui autorise des analyses beaucoup plus élargies, dont le comptage des battements et la distribution des fréquences cardiaques. (Graphique général).
Les valeurs enregistrées:
La durée totale – 42 h 40 minutes pour les 1232,9 km décomptés – donne une moyenne de 29,896 km/heure (Graphique des 2 dernières heures). Durant l’épreuve, 264 813 battements ont été enregistrés, avec une fréquence cardiaque moyenne de 103 bpm. La fréquence maximale de 162 bpm au km 27,6 correspond à la première sélection dans la cote de Monfort-l’Armaury (Graphique des 2 premières heures). La distribution des fréquences cardiaques sur 2 568 minutes pour un temps total enregistré de 42 h 50, soit 2 570 minutes, recrute 99,9 % des battements. Les 2 minutes restantes se situent, soit en dessous de la première plage de 70 bpm (fréquence minimale 66 bpm au cours d’un arrêt), soit dans les quelques secondes au-dessus de 160 bpm, dernière plage prise en compte (Graphique de distribution des fréquences cardiaques).
Quelques commentaires:
Ce graphique révèle seulement 2,3 % du temps au-delà de 140 bpm et plus de 50 % entre 90 et 110 bpm. Donc un très long temps de travail dans la zone de lipolyse où la majeure partie de l’énergie est prélevée sur les graisses, sans aucun inconvénient avec des taux de matière grasse d’environ 9 % sur les deux Tests. Des fréquences aussi basses peuvent surprendre. Mais elles résultent d’une préparation spécifique, dans des épreuves de longue durée, comme le Rata avec ses 560 km et plus de 12 000 m de dénivelée. L’objectif est de développer la puissance systolique (valeur en watts par battement) que l’on peut calculer facilement : La fréquence de Repos – mesurée en position sur Ergomètre ou vélo, et pas au lit le matin – indique le coût énergétique minimal : Métabolisme basal, Thermorégulation, Equilibre musculaire etc. Donc à » 0 » watts. La fréquence moyenne de 103 bpm correspond à la puissance de 162 watts, constante sur les deux Tests. Au-delà de 52 bpm, chaque battement produit de l’énergie mécanique. La puissance systolique est donc de : 162/(103 – 52) = 3,176 watts/bpm. Cette puissance systolique, que l’on peut améliorer par un entraînement foncier approprié, est très importante. Elle correspond ici à celle d’un très bon coureur Elite. A méditer…
Pour terminer, on remarquera que la fréquence cardiaque reste assez basse au cours des dernières heures. Ce phénomène, courant en fin des épreuves par étape de longue durée, est du à plusieurs facteurs. L’activité parasympathique ou des adaptations hormonales, peuvent engendrer un mécanisme de protection du cœur. Mais pour l’essentiel, la coordination des fibres du muscle cardiaque acquise sur de longues durées, améliore sensiblement le remplissage ventriculaire qui augmente le volume d’éjection, et donc la puissance systolique. Mais la difficulté réside dans la préparation qui se doit avant tout de privilégier le travail foncier, tout en préservant la fréquence cardiaque maximale et celle du seuil physiologique. (Avant cette préparation spécifique, la fréquence maximale de Briand était de 176 bpm, d’ailleurs retrouvée depuis). Donc durant les dernières semaines, il faut absolument travailler en fractionné dans des plages adaptées et comme Briand, ne pas hésiter à participer à des courses sur route, même sur de courtes distances.
Les méthodes de calcul:
Chaque plage cardiaque – par décade – équivaut à une puissance moyenne déterminée au cours des Tests : Par exemple, 95 watts entre 80 et 90 bpm. Le temps mesuré de 367 minutes ou 22 020 secondes, permet le calcul du travail effectué dans cette plage, soit 2092 k.joules. Si le rendement énergétique (rapport entre la puissance réelle et l’équivalent mécanique de l’oxygène consommé) s’élève à 20,20 % dans la-dite plage, le coût énergétique total durant cette période sera de 2092 / 20,20, soit 10 393,67 k.joules. Ainsi de suite…
La dépense énergétique sur Paris-Brest-Paris s’élève donc à (k.joules): 100 327,38
Soit, pour la totalité du parcours, Calories: 23973,09
Et pour 24 heures, un besoin énergétique exprimé en Calories de: 13 484,88
Un calcul simplifié à partir de la puissance correspondante à la fréquence cardiaque moyenne de 103 bpm (162 watts) et du rendement de 24,5 % relevé sur les deux Tests permet de contrôler ce besoin d’énergie. Avec la même méthode, l’énergie sur 24 heures s’élève à : 162 x 24 x 3600 / 24,5 = 57 129,80 k.joules, ou bien : 57 129,8 / 4,185 = 13 651,09 Calories. Soit un résultat très proche de celui des calculs détaillés.
On peut également vérifier la puissance de 162 watts équivalente aux 103 bpm lors du Test sur Ergomètre. La formule utilisée au CMS pour le calcul des puissances, largement validée depuis une douzaine d’années, donne une puissance de 163 watts pour une vitesse de 30 km/heure avec un poids total de 78 kg (celui de Dominique Briand, équipé sur son vélo) et un Scx de 0,36, tout à fait admissible pour un Cyclosportif roulant la plupart du temps les mains en haut du guidon.
Discussion:
Précision des valeurs mesurées en laboratoire : Totale pour les fréquences cardiaques avec XTrainer Polar. L’Ergocycle Orion Ark-Electronique est étalonné à (+/-) 0,5 % et la consommation d’oxygène mesurée à 2 % près sur l’analyseur Vmax en chambre de mélange. Le reste n’est que calcul à l’aide de coefficients établis, comme le transfert : 1 Calorie = 4,185 k.joules ou l’équivalence mécanique de VO_ : 1 litre VO_ = 350 watts. On peut raisonnablement estimer que le risque d’erreur sur la dépense énergétique est de l’ordre de 3 %.
Conclusion:
La comparaison entre les besoins énergétiques ainsi calculés et les apports énergétiques évalués d’après les aliments ingérés dans l’épreuve révèle un déficit de 8407 Calories correspondant à environ 934 grammes de lipides prélevés sur la masse graisseuse. Cette perte de poids est tout à fait raisonnable pour une telle épreuve. Mais cette estimation n’est pas scientifiquement établie car ni le poids, ni le pourcentage de masse grasse n’ont été mesurés à l’arrivée. Mais il devaient se situer normalement vers 62 kg pour le poids et aux environs de 7 % pour la masse grasse, valeur qui ne pouvait en aucun cas nuire à la performance.
COMMENTAIRES CONCERNANT L’ANALYSE ENERGETIQUE
Les apports ainsi calculés sont obtenus d’après un relevé des aliments et compléments ingérés pendant la course. Ils ne prennent pas en compte le dernier repas ni les précédents. Ces chiffres n’ont q’une valeur d’estimation résultant du comportement alimentaire de Dominique BRIAND.
On observe une grande diversité dans les aliments apportés. De la poudre, pour la restitution de boisson énergétique, au sandwich on remarque une utilisation conjointe de liquide et de solide, de produits « maison » et de produits diététiques de l’effort. Cette variété dans la consommation a certainement permis d’éviter toute lassitude gustative et mentale souvent rencontrées au cours des efforts de très longue durée. Il est vrai que ce type d’épreuve avec une fréquence cardiaque moyenne de 103 bpm, qui plus est sur un vélo, perturbe plus faiblement le système digestif permettant ainsi de diversifier plus facilement ses apports. Encore faut-il prendre le soin de se ravitailler régulièrement et s’hydrater correctement.
Ces résultats mettent en évidence l’apport énergétique remarquable (15 566 Calories) réalisé par Dominique Briand lors de l’épreuve. En effet, on relève un apport moyen de 365 Calories consommées par heure.
On constate cependant une différence de 8 748 Calories entre les apports et les dépenses estimées (texte).
Cette dernière est comblée par l’organisme qui utilise ses réserves en glycogène (muscle et foie) et son tissu adipeux pour fournir de l’énergie. D’ailleurs pour une utilisation théorique exclusive des acides gras, ces
8 748 Calories représentent 972g de graisses. Il est tout à fait possible d’envisager la perte de ce poids au cours d’une course d’endurance de cette durée dont la voie métabolique privilégiée est la lipolyse (fréquence cardiaque moyenne = 103 bpm).
Il est à noter également la très bonne qualité des apports. En effet 73% de l’énergie consommée provient des glucides soit 66,7g par heure de course. Le risque d’une hypoglycémie est ainsi balayé.
L’apport en protéines soit 2,7g/kg par 24 heures est aussi très favorable dans la préservation d’un bon état musculaire.
Toutefois ces calculs ne mettent pas en évidence les horaires exactes de consommation ni les apports en eau et électrolytes indispensables à l’équilibre hydrominéral nécessaire pour une performance optimale. Compte tenu de la prestation de Dominique Briand, parions que ceux ci ont été tout à fait satisfaisants.
Calcul des Apports énergetiques:
Tableau de l’analyse diététique détaillée.
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Robert Gauthier et son équipe.
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